Une société russe rachète la maison Croizet-Eymard
Une société russe rachète la maison Croizet-Eymard. Histoire d’une tendance.
La nouvelle est tombée jeudi dernier. La société Russian Wine Trust a trouvé un accord avec les propriétaires de la maison de cognac charentaise Croizet-Eymard sur le rachat du domaine, situé à Saint-Même-les-Carrières, en plein coeur de la Grande Champagne, le cru le plus prestigieux de la zone d’appellation contrôlée, où l’on trouve les eaux-de-vie les plus fines.
Cette intrusion du capital russe dans l’un des sanctuaires de la viticulture française aurait certes pu faire beaucoup de bruit. Mais voilà, à Cognac et dans les environs, l’information ne fait pas plus sourire que grincer des dents. Business is business. D’autant que, les spécialistes de l’hôtellerie de luxe et les chefs régionaux peuvent le confirmer, on croise de plus en plus de Russes dans les environs, simples amateurs de cognac ou investisseurs potentiels, et ils n’en sont pas à leur premier coup d’essai. En 2004, la compagnie moscovite KiN avait joué le rôle de pionnier en s’installant à Touzac, où elle prépare depuis une cuvée très haut de gamme qui arrivera dans quelques mois sur le marché russe. Une autre société de Moscou, MVZ, avait racheté en juillet 2006 les cognacs Jenssen, et Russian Wine Trust elle-même avait fait l’acquisition il y a quelques mois du vignoble de Lajasson, à Sireuil, en Fins-Bois (autre cru de cognac).
Des Russes en terres cognaçaises
Avec cette dernière acquisition, on n’hésite plus à parler d’une « vague d’investissements russes » dans le cognac, ce qu’a confirmé ces derniers jours Alain Philippe, directeur du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), appelé en renfort par de nombreux journaux pour éclaircir ce qui n’était encore qu’une rumeur. Car si le communiqué est tombé le 8 février depuis Moscou, la presse régionale faisait état de la transaction dès le début du mois, affirmant même qu’une demi-douzaine de maisons de cognac étaient en négociations avec des acheteurs russes potentiels (Sud Ouest, 1er février).
Selon les données du BNIC, la Russie serait le sixième marché d’exportation du cognac, avec près de 4,8 millions de bouteilles envoyées en 2006, soit une hausse de 40% en deux ans, et de 600% en sept ans. Des chiffres qui en disent long sur le potentiel du marché russe.
Cognac et cognac en Russie…
Mais ce dernier présente tout de même un inconvénient de taille pour les producteurs du terroir: il s’y vend sous l’appellation « cognac » en lettres cyrilliques du brandy, et ce, depuis très longtemps et dans des quantités incomparablement plus importantes que le cognac français. D’où les mauvaises langues qui soupçonnent derrière l’apparition de ces investisseurs venus du froid un risque de voir estampiller appellation contrôlée des produits qui ne correspondent en rien aux canons traditionnels de la profession.i n’ont rien ç voir re sous appellation contrstisseurs russes un danger d’usurpation de l’appellation, d’aut
C’est justement la compagnie KiN qui détient en Russie presque un quart de ce marché parallèle du cognac. A Touzac, elle a créé sa propre marque, « Domaine des Broix », un cognac très haut de gamme qu’on attend à la fin 2007 en Russie. Armen Eganian, président du conseil des directeurs du groupe, suit de près le travail sur la nouvelle exploitation, et affirme qu’avec la future adhésion russe à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tous les acteurs du marché devront d’une manière ou d’une autre se plier à la nouvelle règlementation (Rost, novembre 2006). C’est pourquoi il faut préparer dès à présent le consommateur russe, l’informer sur le cognac français, le familiariser avec les nouvelles règles qui vont se mettre en place. Premier pas dans cette voie, KiN a notamment organisé l’année dernière à Moscou une exposition intitulée « Voyage au coeur du Cognac », afin de mieux faire connaître en Russie l’histoire et la philosophie du fameux alcool.
Alliance du capital et du terroir
Russian Wine Trust anticipe elle aussi sur les transformations à venir du marché russe. Dans son communiqué, la société se fixe l’objectif d’y écouler un million de bouteilles ces trois prochaines années, grâce à ses deux vignobles du cru. Les spécialistes du petit monde du cognac y ont été de leurs petits calculs, et ont jugé la chose parfaitement réalisable. A Saint-Même, le nouvel acquéreur s’est adjugé 59 hectares de vignes, une distillerie avec huit alambics et un stock d’eaux-de-vie dont le volume n’a pas été dévoilé, mais qui est estimé dans le métier à 5.000 hectolitres d’alcool pur. De plus, l’équipe de Croizet-Eymard ne devrait pas subir de grands changements. En y ajoutant l’activité négoce de la maison de cognac et les 22 hectares de l’Ajasson, Russian Wine Trust dispose de toutes les armes pour promouvoir en Russie un produit parfaitement authentique. Quant aux habitants de Sireuil, ils seraient enchantés des restaurations effectuées par le nouveau propriétaire russe sur les bâtiments du domaine, qui avaient été acquis à l’état de ruines.
Autant dire que les deux sociétés russes présentent des garanties sérieuses et se sont déjà fait une réputation plus qu’honorable dans la région. Somme toute, quelques dizaines ou centaines d’hectares de vignes sur les presque 75.000 que comptent les vignobles de cognac ne permettent pas encore de crier au loup, d’autant que ces nouveaux partenaires pourraient bien être des alliés de poids dans l’optique d’une prochaine modification législative sur l’appellation cognac en Russie. Un point qui devrait arranger tant les nouveaux venus que les plus fervents gardiens de la tradition locale.
Article rédigé par la rédaction internet du site www.rian.ru sur la base des dépêches de l’agence RIA Novosti ainsi qu’à partir d’autres sources.