Les archives de LULLY CONSEIL

30 août, 2007

Des Bordelais en vallée du Rhône

Classé dans : Fusions-Acquisitions — lullyconseil @ 16:42

Le rachat de la Maison Jaboulet (qui produit l’illustre hermitage La Chapelle), en janvier 2006, par Jean-Jacques Frey, propriétaire en Champagne et en Médoc (Château La Lagune, troisième cru classé), avait créé la surprise. Un changement de mains était certes attendu dans cette maison restée dans le giron familial depuis 1834. Mais de là à imaginer l’arrivée des « Bordelais » en vallée du Rhône, avec leur oenologue conseil de surcroît…

En l’occurrence, c’est à Denis Dubourdieu, professeur réputé à la faculté d’oenologie de Bordeaux et conseil de Château La Lagune, que Caroline Frey, appelée à s’occuper de l’ensemble du secteur vin du groupe, a fait appel. S’il n’est pas rare que les oenologues français les plus réputés interviennent dans le monde entier, les frontières entre les régions viticoles de l’Hexagone semblaient jusque-là moins faciles à franchir, même aux plus intrépides.  Denis Dubourdieu est de ceux-là. Il ne s’intéresse qu’aux vins dont il peut mettre en évidence la typicité. C’est pour lui une notion qui ne s’applique qu’au goût d’un vin, non à sa provenance. « Un vin est typique parce qu’il a un goût qu’on ne retrouve pas ailleurs », a-t-il coutume de dire. Dès lors, la notion d’appellation d’origine devrait en premier lieu défendre la typicité propre au terroir. Pour cette raison, les distinctions entre des vins de pays et certaines appellations lui paraissent caduques. Avec l’hermitage La Chapelle, aucun risque d’anonymat, car c’est « l’un des meilleurs rouges secs du monde », écrit Robert Parker, le célèbre critique new-yorkais, dans son Guide des vins de France (Solar, 1 603 pages, 42 euros) paru le 23 août.  PROMESSES TENUES Les nouveaux propriétaires ont trouvé dans les chais la récolte 2005. Cette récolte, après un printemps et un été secs, avait été marquée, le 11 août, par un orage au cours duquel la colline de l’Hermitage avait reçu 30 mm de pluie. Cet aléa climatique avait permis de débloquer la maturation et d’assurer un rendement moyen d’une trentaine d’hectolitres par hectare, avec des vins titrant entre 13,5 o et 16,5o, dotés d’une bonne acidité.  Première décision des Frey : renouveler le parc de barriques, puis moderniser en douceur les étapes depuis la phase culturale jusqu’à la mise en bouteille. A la dégustation, aujourd’hui, hermitage La Chapelle 2005 tient les promesses d’une macération plus longue. Pour le reste, il faudra juger dans une décennie l’ampleur de l’unique cépage (la syrah, ses arômes, puis son bouquet) après que les tanins se seront estompés. L’hermitage La Chapelle est à l’évidence un vin de très longue garde, « presque immortel », dit encore Robert Parker, qui estime la maturité du 2003 entre 2011 et 2036.  Les vendanges 2006 chez Jaboulet ont marqué une évolution plus nette des méthodes, qui se traduit déjà dans l’appellation voisine de Crozes-Hermitage, le Domaine Raymond Roure. La famille Jaboulet avait acquis ce domaine en 1996, en raison de son orientation idéale (sud-sud-est) et de son sous-sol granitique. Ce vin peut atteindre une rare intensité ; il développe un puissant bouquet de truffes noires et de crème de cassis. Robert Parker, encore, qualifie le 2003 – année de la canicule, il est vrai, avec un rendement minuscule de 6 hectolitres à l’hectare -, élevé sous bois neutre, de « légende en devenir » Denis Dubourdieu est circonspect à l’égard des vins aux traits excessifs. Pour lui, un bon vin rouge doit avoir une attaque veloutée. En bouche, la sensation de fruit mûr doit dominer, tandis que la perception tannique d’un vin jeune ne doit intervenir qu’en finale et de façon modérée. Ce qui différencie un bon d’un grand vin rouge, ce n’est ni l’attaque ni la finale, mais ce que les dégustateurs appellent le « milieu de bouche », où doivent se porter la densité et la complexité des saveurs. Attention, dit encore Denis Dubourdieu, la concentration ne suffit pas à faire un grand vin, et des rendements trop faibles risquent de produire, par l’excès des tanins, un vin déséquilibré. Il n’évoque pas même les techniques artificielles de concentration, se bornant à dire : « Le vin ne doit pas parler la langue de bois », pour railler ceux qui seraient tentés par l’usage des copeaux de chêne.  A la suite de la grande tradition de l’Hermitage toujours représentée par Jean-Louis Chave, prestigieux vigneron, la méthode Dubourdieu apporte, par petites touches, un certain renouveau dans la vallée du Rhône septentrionale. Dans le même temps, depuis 1986, l’un des plus intrépides vignerons oenologue de la région, Jean-Luc Colombo (Cornas), grand spécialiste de la syrah, conseille Gérard et Xavier Milhade, négociants et propriétaires à Lussac-Saint-Emilion (Château Lyonnat), Lalande-de-Pomerol (Château Sergant) et Saint-Emilion (Château Boutisse). Désormais, il n’y a plus de frontières : la globalisation s’applique, en France même, à l’expertise des oenologues.  Le Monde du 29 août 2007

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